Affaire Fillon : La théorie du complot politico-judiciaire a toujours la cote chez Les Républicains
POLITIQUE François Fillon fait son retour médiatique ce jeudi avec une interview télévisée sur France 2, à quelques semaines de son procès, qui risque de raviver de mauvais souvenirs à droite
- Après un long silence, François Fillon fait son retour médiatique ce jeudi.
- L’ancien candidat Les Républicains à la présidentielle est l’invité de France 2, à quelques semaines de son procès.
- La théorie d’un complot politico-judiciaire, évoquée en 2017 pendant la campagne, trouve toujours écho au sein de la droite aujourd’hui.
François Fillon sort du silence. L’ancien candidat à la présidentielle de 2017 est l’invité de l’émission politique « Vous avez la parole », ce jeudi soir sur France 2. Pendant plus d’une heure, l’ancien Premier ministre s’expliquera sur « les affaires » qui ont pollué sa campagne, à trois semaines de son procès pour « détournement de fonds publics », notamment, au tribunal correctionnel de Paris.
Favori des sondages, François Fillon s’était effondré après de multiples révélations dans la presse et sa mise en examen en mars 2017. A l’époque, le candidat de la droite dénonçait un « coup d’État institutionnel » destiné à le faire tomber. Cette idée d’un complot politico-judiciaire ayant entraîné la défaite reste présente chez une partie des élus Les Républicains.
La droite met en cause la célérité du Parquet national financier
Plusieurs parlementaires préfèrent ne pas s’étendre sur le sujet. « La page est tournée et je suis orienté vers l’avenir », esquive l’un d’eux. D’autres s’interrogent toujours sur la célérité de la justice à l’époque des révélations. « Le fond du sujet, ce n’est pas à moi d’en parler, dit François-Noël Buffet, sénateur LR du Rhône. Mais on peut quand même observer que le PNF (Parquet national financier) a été extrêmement rapide pour réagir et engager une procédure très médiatisée. La mise en examen [le 14 mars] est, elle aussi, arrivée très rapidement. Cela a entraîné une élection très compliquée. »
Les premières accusations sur l’emploi présumé fictif de Penelope Fillon, l’épouse du candidat, sont révélées dans le Canard Enchaîné daté du 25 janvier 2017. Le même jour, le PNF ouvre une enquête préliminaire. « Jamais la justice n’a été aussi rapide que dans l’affaire Fillon ! Elle a bousculé son calendrier pour empêcher le candidat de la droite d’avoir une chance de gagner la présidentielle, ça c’est clair », souffle un député LR. « La justice n’avait pas à s’emballer pour dézinguer un candidat en pleine élection, ce timing a été mis en place à dessein », poursuit ce cadre du parti.
Contacté par 20 Minutes, le Parquet national financier se refuse à tout commentaire. A l’époque, son secrétaire général assurait à France Info avoir « à plusieurs reprises […] engagé très rapidement des enquêtes pour vérifier la réalité des faits présentés dans la presse ».
« Je suis convaincu qu’il y a bien eu une instrumentalisation de la justice »
Reste la question du complot politico-judiciaire. Le 24 mars, François Fillon avait mis directement en cause François Hollande, évoquant un « scandale d’Etat » et la présence d’un « cabinet noir » à l’Elysée. Un argumentaire martelé par ses proches pendant la campagne… qui trouve encore aujourd’hui un écho chez certains à droite. « Que la justice ait été injuste, pas indépendante, ou qu’elle ait été orientée politiquement par le pouvoir en place, aujourd’hui, tout le monde le sait », avance un poids lourd des Républicains. « Il y a eu un jeu malsain entre la presse, la justice et le politique. Certains journalistes se sont pris pour des procureurs, certains magistrats pour des journalistes… Et on a jeté à la vindicte populaire un homme en pleine campagne présidentielle ».
Un député LR ajoute : « Je ne sais pas s’il y avait vraiment un cabinet noir à l’Elysée, ou si tout ça s’est fait de manière plus indirecte, par des messages, ou des nominations par François Hollande de personnes à des postes stratégiques qui, par leur inclination personnelle, pouvaient mettre en branle la machine judiciaire et nuire à Fillon », dit-il. L’élu poursuit : « Je suis convaincu qu’il y a bien eu une instrumentalisation de la justice. D’ailleurs, quand François Fillon est allé voir Jean-Pierre Jouyet [alors secrétaire général de l’Élysée] pour dézinguer Sarkozy [en juin 2014] [en juin 2014], il avait lui-même conscience que l’Elysée pouvait accélérer des procédures judiciaires ».
« Si Fillon est condamné, il n’y aura pas de débat »
L’élu François-Noël Buffet, également avocat, se montre plus prudent. « On peut toujours subodorer, mais en matière de justice, il y a une règle absolue : à chaque argument, il faut une preuve. » Un parlementaire abonde : « On peut imaginer que certains magistrats aient voulu faire du zèle pour plaire à l’exécutif, mais on ne peut rien étayer. Si François Fillon avait eu les preuves, cela fait longtemps qu’il les aurait données ».
Pierre-Henri Dumont, député du Pas-de-Calais, ne souhaite pas évoquer « les fantômes du passé » et reporte son commentaire à l’issue du procès. « Si Fillon est condamné, il n’y aura pas de débat. Mais s’il y a une relaxe, cela posera une question majeure, car la justice aura modifié le cours politique de notre pays ». Le procès se déroulera du 24 février au 11 mars devant le tribunal correctionnel de Paris. Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée, s’étonne. « On s’interroge sur la concordance des calendriers, car cela interviendra quelques jours avant les municipales ». Le premier tour est prévu le dimanche 15 mars.